Le commencement ? Les disques de la Callas et la furieuse envie de chanter comme elle. Alors, à sept ans, elle est en classe à horaires aménagés, deux après-midi par semaine au Conservatoire, plus le dispositif Opéra Junior à Montpellier. Impeccable discipline classique jusqu’au bac, mais toute la famille sort les guitares et chante Brassens les soirs de fête. Les autres jours, elle écoute Ferré avec maman… Deux ans à Londres pour apprendre l’anglais et le gospel. Dans l’Eurostar du retour, questions existentielles. « Ça a été une épiphanie. En arrivant, j’ai dit que je serai chanteuse de jazz. »
L’album "je les aime tous" a été enregistré en quatre jours, comme dans le jazz. Autour de Mathilde, donc, Jacky Terrasson, Stéphane Belmondo, son fidèle Vladimir Médail, la rythmique ouatée et précise de Thomas Bramerie à la contrebasse et Philippe Maniez à la batterie, et un bel invité brésilien, le chanteur et guitariste Marcio Faraco. Au moment d’enregistrer, elle a douté, évidemment. « Chanter en français est une immense responsabilité, c’est se faire l’enfant de générations de gens qui ont écrit et chanté des choses merveilleuses. Moi, comme je n'ai pas écrit La Mémoire et la Mer, je me disais que je ne sais pas écrire. Il a fallu se mettre nue. Or, quand je chante du jazz américain, je suis toujours habillée – il y a le swing, il y a les cuivres… »
Cette nudité va magnifiquement à Mathilde, quand dans ses propres mots elle confesse son amour de l’amour ou chante ses peines de cœur. On retrouve en elle des émotions de Édith Piaf dans l’élégance de Blossom Dearie, des émerveillements à la Prévert qu’on feuilletterait dans The New Yorker, un éternel romantisme français dans la soie du bel aujourd’hui recommencé. Elle les aime tous ? On n’aime qu’elle.