La France compte plus de 45 000 châteaux, ces monuments de pierre et d’histoire qui, jadis, incarnaient le pouvoir, la richesse et l’insouciance d’une aristocratie protégée. Autrefois, la « vie de château » rimait avec opulence, domestiques dévoués et existence préservée des soucis du monde. Le châtelain, maître des lieux, vivait dans un temps fastueux, où les seuls tracas se résumaient à la forme de la vaisselle ou à la santé des arbres du parc.
Mais aujourd’hui, l’héritage s’est transformé en fardeau. Les châteaux, autrefois symboles de prestige, sont devenus des gouffres financiers et des défis logistiques. Les descendants des anciens propriétaires, comme les nouveaux acquéreurs issus de milieux plus modestes, se retrouvent confrontés à une réalité implacable : entretenir ces géants de pierre exige des compétences d’artisan, de chef d’entreprise, d’hôtelier, de plombier, de jardinier… La « vie de château » n’est plus synonyme de loisirs, mais de labeur. Les murs se lézardent, les toitures fuient, les normes se multiplient, et chaque pièce, chaque parquet, chaque hauteur de plafond réclame une énergie sans fin.
Les châtelains modernes, qu’ils soient héritiers ou passionnés, doivent désormais « servir » leur château, inversant ainsi l’ordre ancestral. Leur quotidien se résume à une course contre la montre pour préserver un patrimoine qui, sans eux, disparaîtrait. Pourtant, malgré l’absurdité de l’investissement, malgré les sacrifices, ils persistent. Pourquoi ? Parce que ces châteaux, vestiges d’un monde révolu, continuent de faire rêver. Ils sont les gardiens d’une mémoire collective, les témoins d’une histoire de France qui se raconte encore à travers leurs pierres.
Ce documentaire explore ainsi la métamorphose d’un mythe : de l’oisiveté aristocratique à la survie acharnée, de l’héritage glorieux au cadeau empoisonné, et interroge la passion qui pousse des hommes et des femmes à se battre pour que ces géants ne s’effondrent pas.