Souad Asla a grandi avec la musique, la danse et les chants de la région de Béchar, dans le Sahara algérien, au coeur de la Saoura. Même si elle a quitté l’Algérie depuis maintenant 25 ans elle continue d’y retourner régulièrement, se rendant surtout dans le petit village de Taghit, au Sud-est de Béchar, où a lieu, tous les vendredis depuis des siècles, des Hadra (réunions) de femmes. Elles y chantent, jouent de la musique, s’entraident, parlent de tous les sujets : un espace de liberté incroyable où la musique devient aussi un combat social, culturel et éducatif.
Que va devenir ce patrimoine quand disparaîtront ces grandes artistes ? C’est pour le préserver que l’idée du spectacle Lemma s’impose à Souad Asla. Progressivement, elle réussit à en convaincre onze – âgées de 20 à 70 ans (trois générations) – de quitter l’intimité de leur cercle pour se produire sur scène avec elle.
« Aujourd’hui, beaucoup de choses se sont libérées. C’est merveilleux de voir ces artistes pratiquer au grand jour et pour la première fois les répertoires traditionnels de la région de Béchar qui étaient jusque-là strictement réservés à la gent masculine (Ferda, Djebaraiate, Hadraa ou Gnawa) », se passionne cette héritière d’un héritage musical et spirituel fascinant qui prend ses racines en Afrique noire pour s’épanouir dans tout le Maghreb.
La mise en espace pensée par Souad Asla retranscrit sur scène les différentes ambiances des cérémonies de vie au sein desquelles se pratiquent ces répertoires. De la douceur d’un chant spirituel accompagné d’instruments traditionnels à la transe générée par un sens du chant et du rythme prodigieux, Lemma tient autant du spectacle que de l’hommage au patrimoine culturel qu’incarnent ces femmes avec fierté.
Concert enregistré au Festival des Détours de Babel, en mars 2018.